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est ruineuse. Riche, il faut s’appliquer à faire reluire et sonner sa richesse. Dans l’un et l’autre cas, il faut s’effacer soi-même, immoler sa propre originalité, s’enchaîner ou se transformer. Moi qui n’étais ni pauvre ni riche, je ne voulais pas être forcé de devenir l’un ou l’autre. Un grand dévouement à une personne ou à une idée m’eût paru digne d’un suprême effort ; mais se dévouer à l’amusement de gens qui s’amusent aussi bien des désastres que des triomphes de l’individu, c’est une fantaisie creuse que je n’ai pas comprise encore.

Donc, je redoutais le mariage comme un changement d’état qui eût subordonné mes habitudes et mes occupations aux ambitions probables de ma femme, ou qui eût créé entre nous une lutte désastreuse. Je suppliai ma tante, sinon de renoncer à son projet, du moins de l’ajourner.

— Voyons, me dit-elle, avoue que tu as une peur terrible que je ne veuille te marier avec ta cousine !

— Non, ma tante, je ne crains pas que vous y ayez jamais songé.

— Et tu as raison. Ma fille est mondaine au fond de l’âme. J’ai eu beau l’élever dans les mêmes idées que celles dont je t’avais nourri : ce qui t’a semblé sage et bon lui paraît, à elle, arriéré, cruel, intolérable. Elle aspire à m’échapper pour se lancer dans la grande cohue, et il faudra que je me résigne à lui voir faire quelque beau mariage bien sot, ou elle mourra de colère ou de chagrin dans notre solitude. Ah ! mon cher enfant, les mères ne sont pas heureuses par le temps qui court, quand elles n’ont pas l’esprit d’être folles !

— Ne parlons pas de cela, chère tante. Attendons