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donné la montre, et dont les traits avaient été brouillés dans sa mémoire par les fumées du vin. Je me demandais, moi, si, tout en lui gardant le secret, je ne devais pas avertir mademoiselle Merquem de la curiosité déplacée dont elle était l’objet. Je ne me sentis pas le droit de le faire.

Je m’étendis sur le sable comme pour dormir, mais en réalité pour songer à mes affaires de cœur. Je rougissais de les avoir mal entamées, et la conduite des deux étrangers, en me paraissant méprisable, me faisait mépriser la mienne propre. Je sentais aussi que les explorations sournoises auxquelles j’avais compté me livrer, eussent-elles amené quelque découverte sur la prétendue faute de Célie, cette découverte ne m’eût pas guéri de la passion qui me poussait à m’emparer de sa destinée. Il m’était bien facile, à présent que je la savais respectable et pure, de lui vouer une adoration digne d’elle. Devais-je donc me sentir si sévère pour ceux qui, sans l’estimer plus que je n’avais fait, formaient l’entreprise de la voir et peut-être de connaître sa vie malgré elle ? Oh ! pourtant j’étais indigné contre eux, j’aurais voulu les voir revenir pour les railler et les chasser, ni plus ni moins que si j’eusse été un des heureux filleuls de la grande marraine.

Au milieu de ces rêveries, le sommeil me prit, je m’étais levé de grand matin, et le vent glissant entre les rochers faisait avec la vague un duo si monotone et si énervant, que je perdis conscience de moi pendant deux heures. Quand je m’éveillai, honteux de ma paresse, je vis Stéphen plongé dans le travail et Célio Guillaume lisant un journal que j’avais apporté et qui ne paraissait pas l’intéresser infiniment, car il