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bénédiction du saint sacrement. Peut-être la ramènera-t-elle à la ville. Vous la verrez alors ; elle est très-jolie ! »

La voiture arriva en effet à la porte de la chapelle, et j’en vis descendre la vieille tante, grasse, boiteuse, et soutenue par un homme d’environ quarante ans, dont la figure me frappa beaucoup : une tête méridionale, très-brune, très-accentuée, une mise sévère, beaucoup de cheveux noirs crépus rejetés en arrière, un front demi-chauve très-pur et très-lisse contrastant avec des yeux sombres et fatigués, d’un éclat fiévreux. Il entra dans l’église avec la vieille dame après avoir frappé d’une façon particulière. La porte se referma brusquement derrière eux.

Quel était cet homme qui seul avait le droit d’entrer dans le sanctuaire ? Je le demandai avec agitation à tout le monde. Personne ne le savait, personne ne le connaissait. C’était un laïque ; rien dans sa mise et dans son attitude n’annonçait un prêtre : ce devait être, selon les assistants, qui tous me parurent plus ou moins ultra-montains, un personnage envoyé par le pape pour recueillir le denier de saint Pierre, ou un grand dignitaire de la société de Saint-Vincent de Paul.

Le bruit des cloches à toute volée annonça la fin des vêpres et le commencement du salut. Des voix de femmes entonnèrent un chœur fort pauvrement exécuté ; puis l’orgue préluda, et la voix de Lucie se fit seule entendre. Ce qu’elle chanta, je n’en sais rien. Je ne suis pas érudit en musique, et je n’avais plus le loisir d’écouter mes voisins. J’étais dévoré de rage à cause de cet homme qui était entré là, et qui l’entendait de plus près que moi, qui la voyait peut-être, pendant que j’étais à la porte avec les inconnus. J’aurais voulu qu’elle chantât mal, que sa voix fût désagréable, et que tout le monde se mit à siffler comme au théâtre ; n’en avait-on pas le droit,