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fort pour se remonter, mais il n’en vint pas à bout. Je mourais d’envie de l’interroger, sur les relations que Lucie pouvait avoir avec le personnage mystérieux que j’avais vu la nuit précédente sur le lac ; mais le pauvre homme me parut si abattu, que je me reprochai l’égoïsme de mes soupçons. Je ne lui parlai point de l’aventure, et je le fis jouer pour le distraire ; après quoi, j’acceptai le gîte qu’il m’offrait. Je voulais veiller encore toute la nuit, et j’y parvins malgré la fatigue qui m’écrasait. Rien ne troubla le morne repos de la nuit autour du manoir. J’allai dès le matin visiter encore la grotte. Les lis pourrissaient dans l’abandon. Je les jetai dans l’eau, et je revins à Aix, où la fièvre me retint deux jours au lit.

Le troisième jour, abattu mais calmé, j’allai à Chambéry à tout hasard, cherchant à rencontrer Lucie malgré sa défense, voulant tâcher de savoir au moins ce qu’elle devenait. Je ne connais personne à Chambéry, mais je rencontrai aux abords de la ville quelques baigneurs d’Aix, dont un Anglais fort mélomane avec qui je me suis un peu lié, et qui m’aborda en me disant :

« Est-ce que vous n’allez pas aux Carmélites de *** ?

— Pour quoi faire ?

— Pour entendre chanter une demoiselle du pays qui est, dit-on, fort extraordinaire.

— Oui, j’y vais, répondis-je tout tremblant. Où est-ce ?

— Suivez-nous, » me dit-il.

Nous gravîmes un chemin très-rapide qui monte en zigzag à travers d’énormes rochers.

« Et le nom de cette cantatrice ? demandai-je à mon guide.

— Attendez ! Je ne sais plus ; ce n’est pas une artiste de profession, c’est une personne de bonne famille qui chante en l’honneur de la fête du jour, la Trinité. Elle a