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cela ? s’écria Lucie, sincèrement interdite et comme cherchant un argument à m’opposer.

— Trouvez-moi un précepte catholique autre que celui de l’obéissance passive de la femme envers le mari !

— Mais la religion est tout amour pourtant !

— Oui, l’amour envers Dieu et la charité envers le prochain. Cherchez dans vos souvenirs si quelqu’un vous a jamais dit : « Le cœur de la femme est destiné à renfermer une affection sans bornes pour l’homme de son choix, pour le compagnon de sa vie ? »

— Non, mais il est écrit : « La femme quittera son père et sa mère… »

— C’est une loi civile, ce n’est pas même l’amour sous-entendu, c’est le domicile conjugal. Le Code l’explique tout au long.

— Enfin, qu’est-ce que vous entendez par l’amour ? La préférence qu’on donne à un homme sur la Divinité même ?

— Préférence, lui répondis-je impétueusement, est un mot qui ne me présente ici aucun sens. C’est un mot inventé par ceux qui ont rapetissé l’idée de Dieu au point d’en faire un homme dont un autre homme peut devenir le rival, et ceci, permettez-moi de vous le dire, est une sorte de profanation du sentiment que nous devons avoir de la Divinité.

— Bien ! reprit Lucie, qui m’écoutait avec une attention animée ; vous dites là des choses qui me vont. Vous admettez dès lors que l’on aime Dieu par-dessus toutes choses ?

— Aimer est le mot le plus élastique et le plus vague que l’homme ait inventé. Dieu ne peut nous inspirer qu’un genre d’adoration auquel rien ne se compare et qu’aucune langue ne peut exprimer. Dieu ne veut donc pas être aimé avec le même esprit et avec le même cœur