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mais, vous l’avez dit, je ne puis être père, car je ne puis cesser d’être prêtre. Je sens qu’en aimant beaucoup et chastement, je vous le jure, j’aime en prêtre, avec jalousie, avec douleur, avec je ne sais quel reste de colère !… Oui, je suis jaloux d’Émile… malgré moi ! Je l’aime et je le hais. Peut-être que, si elle se fût vouée à l’hymen du Christ, je me serais senti jaloux de Dieu même !… Je vous dis aujourd’hui ces choses terribles avec sang-froid. J’ai reconnu que le mal n’était pas dans mon cœur, et que la nature seule se vengeait d’avoir été reniée et immolée. J’aime donc mal, faute d’avoir consenti à aimer bien. J’aime en égoïste, en envieux… hélas ! en déshérité de la vie ou en exilé de la famille. Vous aviez raison, mille fois raison, Lemontier ! L’Église s’est trompée le jour où elle a retranché le prêtre de la communion humaine. Elle s’est trompée ; donc, elle n’est pas infaillible ; il faut laisser l’infaillibilité à Dieu ! Les hommes sont des hommes, et ne reçoivent pas la vérité absolue. Ils peuvent bien se contenter de la demander, de la chercher et de l’adorer, évidente ou voilée ! Elle est si désirable et si belle, qu’un petit rayon peut bien suffire à la vie d’un pauvre prêtre. Car je suis prêtre aujourd’hui et toujours. Je me suis consacré de bonne foi. Tant pis pour moi si je me suis trompé en croyant mes sacrifices méritoires ! Ils le seront désormais, je vous en réponds ! Je ne pars point désespéré. Je veux, en soulageant la misère, que je suis bien sûr de rencontrer partout sur mes pas, dire à tout homme qui me demandera la vérité : Demande-la à Dieu seul. Je dirai cela tout bas, je m’abstiendrai des prédications qui, de la part du prêtre indépendant, soulèvent trop de scandales et reculent le triomphe du vrai. Je ferai du bien, comptez-y, et, absorbé dans cette douce occupation, j’oublierai le regret de la vie personnelle. J’y ai bien réfléchi, allez, depuis