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« Si les malédictions que votre mariage attire sur ma tête excitent en vous quelque compassion… »

Mais Lucie, dont l’accent ferme pouvait être saisi par tout le monde malgré la douceur réservée de son intonation, lui répondit :

« Non, monsieur, je ne remettrai jamais les pieds dans une église où, au nom du Christ, on prêche l’exécration de son semblable avec impunité !

— Mais prenez garde ! dit en souriant M. Lemontier. L’auteur de cette malédiction a été embrassé et béni par le pape, et le pape est infaillible !

— S’il en est ainsi, répondit Lucie tout haut et avec énergie, à partir de ce jour, je n’appartiens plus à l’Église catholique. »

Moreali fit un geste de désespoir et disparut. Lucie sortit avec sa famille.

« Bien, ma fille ! lui dit le grand-père ; à présent, moi, je veux croire à Dieu ! »

Quelques personnes les avaient suivis. Toutes les autres s’étaient levées, croyant d’abord que Lucie se trouvait mal, et s’interrogeant, puis se répétant les unes aux autres ce qu’elle venait de dire. Lucie était aimée, respectée, admirée. Aussitôt qu’on eut compris le sentiment d’horreur qu’elle éprouvait, cette foule frivole, qui, comme toutes les foules, s’amusait aux tours de force de la parole et aux épilepsies de l’invective, s’ébranla et se retira, les uns donnant raison à la piété de Lucie, les autres défendant l’éloquence du prédicateur, aucun n’osant avilir la foi en l’écoutant davantage.

Le père Onorio, qui, dans ses transports, entrait en une sorte d’extase et ne voyait plus que ses propres fantômes, ne s’aperçut pas de ce qui se passait dans son auditoire. Après un moment de repos, il se remit à improviser et à maudire, l’écume à la bouche, la voix vibrante,