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nous accusez tous, pêle-mêle, d’avoir noyé dans les notions d’un faux panthéisme. C’est un croyant qui proclame sa propre immortalité et l’espoir de sa conscience future, c’est-à-dire la notion de sa personnalité dans les sphères du progrès infini ; c’est enfin un croyant dévoré d’amour pour la vérité divine et parfaitement détaché d’avance des vanités de la terre, mais passionnément attaché à ce qui n’est pas vanité terrestre, à ses devoirs d’homme, et regardant l’accomplissement de ces devoirs, tels que Dieu les lui a tracés, comme le marchepied de son progrès dans l’échelle ascendante des récompenses.

« Je sais qu’on peut longuement discuter sur la limite des droits et des devoirs de l’homme, et que l’Église, au nom du Christ, a fait une grande chose en traçant des règles de conduite ; mais elle a oublié que les cercles devaient être élargis de siècle en siècle avec les horizons de la science, et elle les a rétrécis au contraire. Elle s’y est enfermée elle-même jusqu’à tuer ses propres lévites, témoin le célibat des prêtres, arrêt de mort qui n’est pas d’institution primitive.

« Pour ne parler ici que de la nécessité de cette dernière réforme, vous devez me permettre de vous citer à vous-même comme un exemple saisissant, exemple d’autant plus précieux pour moi qu’il n’est pas exceptionnel, que vous êtes un honnête homme et un bon prêtre, que l’on peut sonder les replis de votre cœur sans effroi, sans répugnance, et sans risquer de blesser en vous le sentiment que vous avez de votre propre dignité… »

L’abbé, qui avait écouté jusque-là M. Lemontier dans une attitude fière et morne, les regards fixés sur le plancher, releva ses yeux clairs et profonds, et les attacha avec curiosité sur ceux du philosophe.

M. Lemontier continua :