Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée

croyances, se flattait de la profaner, j’étais dévoré d’indignation.

Blanche semblait sauvée, mais elle fut imprudente. Elle ne savait rien cacher : elle avoua à son père son désir de prendre le voile. Dès lors M. de Turdy, qui au fond prisait médiocrement La Quintinie, s’appuya sur ce dernier pour soustraire la néophyte à l’appel du Seigneur. Il effraya madame de Turdy, qui était pieuse, mais qui avait le caractère faible ; il pesa sur la piété filiale de Blanche. Il permit au colonel de la voir plus souvent. Enfin ils ébranlèrent ma pauvre sainte et me l’enlevèrent au moment où, appelé à d’autres fonctions, j’étais forcé de changer de résidence.

Je partis, la mort dans l’âme, pour ma première et dernière cure. C’était une ville de troisième ordre, peu éloignée de celle que je quittais. Madame de Turdy vint m’y trouver bientôt sans sa fille. Le mariage était décidé. Blanche avait juré à son père qu’elle ne serait pas religieuse. La mère elle-même s’en réjouissait, car elle avait eu peur de me voir trop bien réussir ; mais elle était également effrayée de donner sa fille à un incrédule. Elle me priait, puisque j’avais eu et pouvais avoir encore de l’influence sur elle, de lui écrire pour exiger qu’elle fît de sa main le prix de la conversion du colonel. J’écrivis deux fois, trois fois. Pas de réponse ! Un jour, on m’apporta un billet de faire part. Blanche était mariée.

La douleur et la colère que j’éprouvai me firent craindre d’avoir trop aimé cette jeune fille… Trop aimé !… était-ce possible ? peut-on aimer trop quand on aime en Dieu et à cause de Dieu ? Je l’avais mal aimée… peut-être ; non ! Je scrutai en vain ma conscience. L’amour terrestre n’était plus en moi depuis longtemps ; je l’avais terrassé, je l’avais tué, je le méprisais… Quand je sentais la chair se révolter, je ne prenais pas le change, et