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je sentais mon intention aussi pure que celle d’un petit enfant. Il ne m’était pas seulement permis, il m’était ordonné de chérir les voies de cette jeune sainte, et je craignais qu’on ne la détournât du ciel.

Madame de Turdy reparut enfin.

« Nous avons passé trois mois aux eaux, me dit-elle. Le beau colonel La Quintinie y était. Il a recommencé ses assiduités, et je crains bien que Blanche n’ait jamais cessé de l’aimer. Il a renouvelé sa demande, que j’avais réussi à faire ajourner à cause du jeune âge de ma fille. Il a fait la cour aussi à M. de Turdy, qui est un incrédule, et qui l’a pris sous sa protection, prétendant que je voulais faire de ma fille une religieuse. Je viens vous demander conseil. »

Je ne sais ce que je répondis. J’étais fort troublé. La défection de Blanche était une chute déplorable, et le mot de religieuse, que sa mère venait de prononcer, me jetait dans de grandes anxiétés. Peut-être aurais-je dû suggérer à ma jeune pénitente l’idée de se consacrer à Dieu. Douée de si grandes qualités de renoncement, n’était-elle pas marquée pour l’état sublime ? Je m’étais interdit d’encourager les vocations romanesques, fugitives velléités fréquentes chez les filles de treize à seize ans ; mais Blanche, sans me faire part de l’appel du Seigneur, l’avait peut-être vaguement ressenti. Et je ne l’avais pas deviné, moi ! j’avais laissé ma jeune sœur s’égarer dans son rêve d’amour et accepter l’époux charnel faute d’entrevoir clairement l’époux idéal !

Je demandai à madame de Turdy si elle s’opposerait à la consécration de sa fille. Elle me parut surprise.

« Non certes, répondit-elle, si elle avait la vocation : mais elle ne l’a pas du tout, puisqu’elle veut se marier avec un homme sans principes.

— Elle pourrait changer, lui dis-je.