Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/311

Cette page n’a pas encore été corrigée

heure de tendre épanchement qu’elles apportaient à mes pieds. Je les traitai durement, quelques-unes s’exaspérèrent jusqu’à m’aimer avec ardeur. Je les accablai du mépris de Dieu, qui leur parlait par ma bouche.

Parmi les pénitentes que l’aristocratie de la province m’envoyait en trop grand nombre, une jeune fille charmante me consola par son angélique chasteté, par l’absence de tout instinct douteux à combattre, par une foi naïve pleine de scrupules attendrissants : c’était Blanche de Turdy. Elle avait seize ans à peine. Pâle, délicate, toujours simplement vêtue, un peu nonchalante et d’humeur rêveuse, elle était l’image de la candeur timide et de la virginité ignorante.

Sa mère, qui était pieuse, vint un jour me consulter.

« M. de Turdy veut, dit-elle, marier ma fille avec un beau colonel qui ne croit à rien. L’enfant est douce, et redoute la vivacité de son père. Donnez-lui le courage de résister un peu. Mon mari est bon au fond, il cédera. D’ailleurs, nous ne sommes ici que pour un temps limité. Nos propriétés les plus importantes sont en Savoie. C’est là que je voudrais établir Blanche, afin de l’avoir près de moi. »

J’exhortai dans ce sens ma jeune pénitente, qui se prit à pleurer.

« Mon père ne me force pas, dit-elle ; toute la faute est à moi. Le colonel La Quintinie m’a dit au bal qu’il m’aimait, et qu’il serait malheureux, si je ne l’aimais pas. Je l’ai cru, et, lorsqu’il m’a demandée à mon père, j’ai avoué que je l’aimais aussi. Mon père serait plutôt contraire que favorable à ce mariage. Le colonel ne lui plaît pas beaucoup. « Pourtant, m’a-t-il dit, si tu l’aimes… nous verrons… Consulte ta mère. » J’ai consulté maman, qui dit non. Je ne sais pas si j’ai fait un péché en aimant ce colonel. »