Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/289

Cette page n’a pas encore été corrigée

autant par le capucin que par M. Lemontier, il avoua qu’un austère régime de piété attendait mademoiselle La Quintinie aux Carmélites ; mais il se défendit d’avoir tendu aucun piége. Le général n’avait-il pas annoncé à sa fille qu’elle aurait à subir l’épreuve d’une claustration absolue ? Quant à la durée de l’épreuve, il ne partageait pas, il n’avait jamais partagé, disait-il, l’idée de la prolonger contrairement au gré du général. Il l’avait fixée à trois mois, et il se flattait qu’au bout de ce temps mademoiselle La Quintinie serait complétement revenue au sentiment de ses devoirs.

« Trois mois ! s’écria M. Lemontier frappé de surprise. Le général a-t-il deux paroles ? la sienne et la vôtre ? Il n’a demandé qu’un mois, un seul, entendez-vous ?

— Vous faites erreur, dit Moreali, vous avez mal lu.

— Non pas ! l’écriture du général est fort lisible, » reprit M. Lemontier en tirant la lettre de sa poche.

La lettre ne présentait pas d’ambiguïté. Au moment d’écrire le chiffre convenu sans doute avec l’abbé, le courage avait manqué au général, l’amour paternel avait parlé plus haut que le prêtre, peut-être aussi la crainte que Lucie, épuisée par une lutte trop longue, ne reprît en désespoir de cause l’envie de se faire religieuse.

Cette défection de M. La Quintinie mortifia l’abbé, qui se mordit les lèvres. Le capucin haussa les épaules avec mépris et demanda qu’on lui traduisit la lettre. Quand il vit que le général y donnait sa parole d’honneur de céder au bout d’un temps déterminé, il fut indigné et demanda à l’abbé si cela était convenu avec lui. L’abbé avoua qu’il avait fait cette transaction avec les scrupules du général.

« Monsignore ! lui dit Onorio en lui lançant un regard terrible, il y a des faibles, des impuissants et des tièdes jusque sur les marches de l’autel ! »