Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée

incompatibles avec la gravité de son âge et les prescriptions de son état ?

Henri venait d’arriver à Turdy, où on le retenait à dîner presque tous les jours, quand Moreali se présenta. M. Lemontier engagea Henri à tout observer avec le plus grand calme, surtout dans les moments où lui-même, accaparé par le général ou distrait par quelque autre soin, serait forcé de perdre de vue la contenance de l’abbé. Il lui recommanda encore, si ses soupçons se confirmaient, de n’en faire part qu’à lui seul et de n’en rien écrire à Émile.

Moreali approcha prudemment. Il s’arrêta à la grille du manoir et envoya deux cartes à M. de Turdy et à Lucie, afin qu’ils ne pussent lui reprocher d’être entré sur la seule invitation du général. Lucie prit le bras de M. Lemontier et alla elle-même recevoir Moreali.

« Vous venez en chrétien, monsieur, lui dit-elle ; soyez le bienvenu. Mon grand-père regrette d’avoir méconnu vos intentions ; mais voici un nouvel ami, M. Lemontier, qui l’a calmé et persuadé. Je suis aussi heureuse d’avoir à vous faire rentrer ici que j’ai eu de chagrin à vous en faire sortir. »

Moreali s’inclina. La présence de M. Lemontier lui coupa la parole : il sentit qu’il le haïssait ; Émile ne lui avait pas inspiré d’aversion. Il se remit vite. Il fut digne, poli avec ses hôtes, froid et comme dédaigneusement généreux envers Lucie. On servait le dîner, on l’invita à rester, et, en attendant le dernier coup de cloche, il se promena au fond du jardin avec le général. Il vit bien vite que celui-ci avait énormément faibli en son absence. Le général se plaignait du capucin, il rendait justice à l’esprit de tolérance de M. Lemontier, à la bonhomie sans rancune du grand-père, à la discrétion d’Émile, qui était parti afin de ne blesser personne, à la docilité de