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— Encore plus vite, plus vite que le mal, aussi vite que la grâce !

— Très-bien ! Si le bien va plus vite que le mal, le mal sera donc devancé et réduit à l’impuissance ?

— Cela, c’est un mystère. J’y ai songé quelquefois.

— Avez-vous questionné Dieu là-dessus ?

— Non, il m’eût dit que cela ne me regardait pas. J’ai un jour à vivre ! »

L’entretien continua sur ce ton, M. Lemontier examinant le cerveau de ce moine comme un produit curieux du travail ascétique, le moine répondant par sentences obscures et malignes comme celles d’un sphinx.

C’était au tour du général à ne pas comprendre. Il s’évertuait à saisir un mot dans chaque phrase, se demandant d’où venait à l’homme subversif cette audace tranquille d’interroger un saint. Son étonnement devint de la stupeur quand, au bout de vingt minutes, le capucin, qui n’avait pu échanger avec lui dix paroles, et qui lui marquait une extrême froideur, parut s’être pris d’abandon et de sympathie pour M. Lemontier, et, tout en se retirant, lui tendit la main en échangeant avec lui le souhait de felicissima notte. Puis il revint sur ses pas et lui demanda si sa fille était malade, qu’il ne l’avait pas vue ? Il prenait M. Lemontier pour le père de Lucie, ce que M. La Quintinie avait pu lui expliquer à cet égard ayant été complétement perdu. M. Lemontier ne marqua pas de surprise et profita du quiproquo pour s’instruire. Sûr de n’être pas compris du général, qui le suivait la bouche béante, il demanda à son tour au capucin s’il connaissait la signora Lucia.

« Non, dit l’autre, mais elle m’a fait l’aumône et accordé l’hospitalité. On dit qu’elle est charitable et pieuse. J’aurais voulu la remercier. On m’a dit qu’elle savait très-bien ma langue, elle aussi.