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regarde, pourvu que vous ne fassiez part de vos illusions à personne !

— Vous vous opposez à ce que je les exprime à mademoiselle La Quintinie ? Est-ce là ce que vous voulez dire ?

— Je m’y oppose formellement.

— Vous ne le pouvez pas, monsieur.

— Comment ! je ne le peux pas ? Je ne suis pas le maître de ma fille ?

— Non, monsieur, vous êtes mieux que cela ; car elle est une personne et non une chose. Son cœur ne peut céder qu’à la persuasion, et j’ignore si vous l’avez persuadé.

— Mais savez-vous, monsieur Émile, que j’ai un bon sabre, et que quiconque touche à ce qui m’appartient a tout de suite affaire à ce sabre-là ?

— Si je me permettais de toucher malgré vous à un cheveu de votre fille, je comprendrais que ma main tombât sous votre sabre ; mais mon respect aspirant à son estime est une chose que vous n’avez aucun moyen de sabrer.

— Ce sont là des subtilités ! Je vous dis, moi, que ma fille est ma chose, elle est mon sang, elle m’appartient au même titre que mon bras.

— Si elle ne fait qu’un avec vous, si son cœur est votre cœur, n’essayez pas de l’arracher de votre poitrine ; ce serait vous sacrifier tous les deux.

— Ah çà ! vous croyez donc que ma fille vous aime ? Voilà qui est un peu fort !

— Je n’ai pas cette prétention ; mais elle eût pu m’aimer un jour, puisqu’elle m’estimait déjà, et j’ai le droit d’aspirer à poursuivre le progrès de ses sentiments pour moi.