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s’il dépend de vous de modifier cette décision de M. La Quintinie. »

Ce fut au tour de Moreali de pâlir, à mon tour de lui demander s’il ne voulait pas se reposer.

« Asseyons-nous, dit-il, nous en avons besoin tous les deux, car nous souffrons autant l’un que l’autre ; mais tous deux nous sommes sincères, je le jure devant Dieu, et cette douleur qui nous frappe doit nous unir au lieu de nous diviser.

— Quelle est donc votre douleur, à vous, monsieur, et quel intérêt si profond pouvez-vous prendre à la mienne ?

— Émile ! s’écria-t-il avec l’accent d’une vive sensibilité, est-ce que vous me prenez pour un hypocrite ?

— Pour un hypocrite de profession, oui, monsieur, c’est-à-dire pour un de ces hommes qui acceptent les missions secrètes et qui s’embarquent dans les ténèbres pour frapper à couvert. Quelque soit votre état, vous faites une de ces campagnes perfides et mystérieuses qui croient avoir un but sacré, et vous, homme sincère et bon par nature, vous agissez sous la pression d’une autorité que vous ne croyez pas pouvoir récuser, ou sous celle d’un fanatisme que vous prenez pour la foi.

— Ni l’un ni l’autre, répondit-il en se levant et en parlant avec énergie. J’agis de mon plein gré, de mon propre mouvement et sous l’empire d’un sentiment aussi pur que ma conviction est nette et dégagée de fanatisme. Écoutez, monsieur Lemontier, j’aime le vrai, vous l’avez dit, et pourtant vous me voyez ici sous un habit qui n’est pas le mien : je suis prêtre.

— Je le savais, monsieur.

— Lucie vous l’avait dit ?

— Non, car je ne le lui ai pas demandé.

— Hélas ! je ne puis donc avoir auprès de vous le