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mouvement ; tantôt du cou et du menton, tantôt de la main, pour remettre en place le rabat qui tend toujours à s’en aller de côté ou d’autre, et dont les attaches gênent ou grattent la peau quand elle est délicate. Or, ce mouvement était très accusé et très fréquent chez l’abbé Fervet. Les petites filles remarquent tout ; et, quand nous voulions parler de lui sans le nommer devant nos religieuses, nous imitions son tic et nous affections de placer la main comme lui, vu que, à tort ou à raison, nous l’accusions d’aimer à montrer sa main, qui était fort belle. Eh bien, cette main toujours belle redressant le rabat devenu cravate, le mouvement du menton et du cou, avec cela certain air embarrassé et certain regard vif et sévère à mon adresse, comme celui dont il m’honorait jadis à la leçon pour me dire : « Silence, mademoiselle ! » tout cela vu de face, et vivement éclairé par le flambeau que tenait le domestique, fait que je me suis écriée en moi-même : « C’est lui ! » et qu’à présent j’en suis aussi sûre que nous voilà tous ici. »

J’étais atterré de la découverte d’Élise. Supposer Lucie capable de dissimulation avec moi, quelle qu’en fût la cause, c’était une souffrance atroce. Je n’en fis rien paraître, et je sortis avec Henri.

« Il faut découvrir la vérité, lui dis-je ; mais, si Élise ne s’est pas trompée, il faut nous taire.

— Comment ? Pourquoi ?

— Parce que, si M. Moreali est un prêtre déguisé, c’est un ennemi, non en tant que prêtre, mais en tant que fourbe.

— Très-bien ! j’entends ! reprit Henri, dont l’esprit allait au but aussi vite que le mien. Nous ferons semblant d’être dupes, afin de déjouer ses projets. Évidemment, il fait son métier de Tartufe dans la famille. Il trompe le grand-père, il domine le général Orgon. Il n’y a point là