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nous quittions Turdy comme il y arrivait, et le nom de l’abbé m’est revenu avec sa figure. Je ne m’y suis pas arrêtée, puisque celui-ci n’était pas un prêtre, que d’épais cheveux rejetés en arrière cachent la place de sa tonsure, qu’il est fort bien mis, non pas à la dernière mode, mais avec l’élégance grave qui convient à son âge, enfin que rien chez lui ne trahit son ancien état. Et puis il a changé d’accent, il est devenu Italien. Comment ? Je ne me charge pas de vous le dire ; mais je sais que l’abbé Fervet, en quittant la direction de notre couvent, est allé vivre à Rome.

— Comment le sais-tu ? dit madame Marsanne.

— Lucie me l’a dit, elle a reçu plusieurs fois de ses nouvelles.

— Alors ce n’est pas lui, reprit madame Marsanne ; Lucie l’a vu chez sa tante pour la première fois il n’y a pas quinze jours. Est-ce que d’ailleurs elle ne t’aurait-pas dit : « J’ai revu l’abbé Fervet ? »

— Voilà le mystère, répliqua Élise avec un peu de malice : Lucie sait ou ne sait pas. Peut-être qu’elle ne l’a pas encore reconnu, ou qu’elle n’est pas sûre, ou qu’elle est dans la confidence de son secret ; car, pour se déguiser et changer ainsi de nom, il faut bien qu’il ait un gros secret. Qu’en dites-vous, Émile ? Vous ne dites rien ?

— Je dis que vous vous êtes trompée, Élise, et que l’abbé Fervet n’est pas M. Moreali.

— Eh bien, je fais un pari, moi : c’est que, Fervet ou non, Moreali est un prêtre. Qui tient le pari ?

— Moi, répondit Henri. Je le saurai, et, si je perds, je m’avouerai vaincu. Quels sont vos indices ? Soyez de bonne foi et mettez-moi sur la voie des recherches.

— Je n’ai, en outre de la ressemblance, qu’un seul indice, mais il est capital : c’est celui qui vient de me frapper là, tout à l’heure, comme il se refusait à entrer chez nous. Il y a chez beaucoup de prêtres un certain