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— Mais, reprit Henri, quand vous aviez des cas de conscience à lui soumettre, faisiez-vous donc vos petites révélations devant la sœur-écoute ?

— Généralement oui, et même en présence les unes des autres, ce qui nous divertissait beaucoup. Celles qui étaient studieuses, comme Lucie, prenaient plaisir à écouter les doctes et éloquentes réponses du directeur, car c’était pour lui l’occasion de briller, et il ne s’en faisait pas faute. Il a toujours été beau parleur, et, pour le faire parler, nous inventions des doutes que nous n’avions pas. C’est vous dire que nos cas de conscience avaient rapport à des articles de foi et n’exigeaient aucun mystère. Si quelqu’une avait un petit secret à lui confier, elle lui écrivait, et il répondait d’assez longues lettres, fort belles, à ce qu’on assure, et que l’on montrait en confidence à ses amies. Moi, je n’en ai jamais reçu, n’ayant jamais aimé à écrire, et ne trouvant point en moi-même de scrupules sérieux à écouter ou à vaincre.

— Voilà votre récit couronné avec élégance, dit Henri, et nous tenons la légende de l’abbé Fervet : reste à savoir si M. Moreali, qui a peut-être l’esprit et le caractère d’un prêtre, mais qui n’en a ni l’habit ni les manières, est l’abbé Fervet, et pourquoi ce serait lui.

— Lisette rêve, dit madame Marsanne, ou elle se moque de nous. Elle a rencontré ici et à Turdy M. Moreali plusieurs fois, et jamais encore elle ne s’était avisée de cette belle découverte.

— Permettez, maman, reprit Élise ; chaque fois que j’ai rencontré M. Moreali, je vous ai dit : « C’est singulier, je l’ai vu quelque part ; il me semble qu’il évite mes yeux ! » Vous m’avez répondu : « C’est quelque ressemblance, cela te reviendra. » Et je ne trouvais pas, parce que je cherchais dans mes souvenirs du monde et non dans ceux du couvent, qui sont déjà loin. Enfin, hier,