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je résiste à l’attrait respectueux que vous m’inspirez ; mais on me fait ici une situation tellement bizarre et délicate, que je m’y perds un peu.

— Oui, reprit-il, je comprends cela. Laissons venir, et ne forçons rien. Ne discutons pas surtout avant de bien connaître le fond de nos croyances, car ce serait du temps perdu.

— Vous comptez alors que nous nous reverrons ici ?

— Ici ou ailleurs, chez mademoiselle de Turdy probablement. Puisque votre demande est faite, vous ne tarderez sans doute guère à vous présenter chez elle, et j’y vais tous les soirs. Donc, si vous avez besoin de ma sollicitude pour vous et de mon dévouement pour la vérité, vous saurez où me prendre. J’ai à votre service deux mois de séjour à Chambéry. J’y suis venu ranimer et consoler un vieux ami malade qui m’appelait depuis longtemps, et dont mademoiselle de Turdy vous donnera le nom, s’il vous plaît de venir me trouver ; mais, s’il en est autrement, ne craignez pas que je m’en formalise. Vous ne me devez rien, je ne suis rien ici, et, si je m’y trouve mêlé à vos affaires, c’est à mon corps défendant, ne l’oubliez pas. Le jour où vous me prierez de ne m’en pas mêler, vous n’entendrez plus parler de moi. »

Tout cela a été dit sur un ton de bonhomie exquise, si l’on peut associer ces deux mots, et j’ai dû me rendre. La suite de notre entretien a roulé sur le caractère des parents de Lucie. M. Moreali paraît regarder le général comme un enfant aussi faible que volontaire. Il dit de la tante Turdy qu’elle est une excellente femme, trop communicative, et du grand-père qu’il lui plaît plus que les deux autres. Le nom de Lucie n’a pas été prononcé. En revanche, nous avons beaucoup parlé de toi. Ce M. Moreali sait tes ouvrages par cœur, comme s’il les avait lus hier.