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XVIII.

HENRI VALMARE À M. LEMONTIER, À CHÊNEVILLE, PAR LYON.


Aix, 14 juin.

Émile est très-contrarié ce soir, et à sa place je le serais davantage, moi qui me pique de plus de sang-froid. C’est vous dire, monsieur et digne ami, que votre enfant prend beaucoup sur lui ; mais, comme il m’a dit de vous avoir écrit hier une très-longue lettre, je l’ai engagé à prendre du repos ce soir, et je me suis chargé de vous raconter avec exactitude nos pourparlers au manoir de Turdy.

Émile m’avait prié de l’y accompagner, pour donner, par la présence d’un témoin, plus d’autorité à sa démarche auprès du général. Le dîner s’est passé sans coup férir, bien que ce grand avaleur de sabres me parût plus rogue et plus cambré que les autres jours. Enfin, à l’heure bénévole où le guerrier modèle daigne fumer sa pipe sur la terrasse du vieux château, mademoiselle La Quintinie a emmené son grand-père, et nous avons pu porter la parole. Émile a parlé comme vous lui avez appris à parler, noblement, avec simplicité, franchise et délicatesse. Il a dit en résumé qu’il aspirait au bonheur d’épouser mademoiselle Lucie, et qu’il demandait à son père la permission de faire agréer ses soins ; à quoi le général a répondu :

« Mon cher monsieur, je ne vous dis pas non, mais je ne peux pas vous dire oui. Tout ceci s’est combiné d’une façon irrégulière, et je suis forcé de marcher dans la voie de l’irrégularité ouverte par vous et par monsieur le grand-père. Ordinairement, et dans la règle voulue,