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pour dire oui, que reste-t-il en nous pour dire non ?

— Oh ! ma chère Lucie, dites-moi cela cent fois, dites-moi cela toujours ! »

Et je tombai à ses pieds.

« Que Dieu l’entende et nous protége ! s’écria-t-elle en se jetant dans les bras de son grand-père ; qu’il renverse les obstacles qui sont entre nous !

— Des obstacles ! dit M. de Turdy avec feu ; quels obstacles ?

— Il y en a, grand-père, répondit Lucie en fondant en larmes, ou il y en aura !

— Non, Lucie, m’écriai-je, il ne peut y avoir d’obstacles, puisque vous croyez en moi !

— Ah ! prenez garde ! reprit-elle avec tristesse, je m’abandonne à cette espérance les yeux fermés et dans toute la loyauté de mon cœur, parce que je m’imagine qu’au fond nous aimons Dieu de la même manière, parce que je suis sûre que, loin d’être un athée comme on m’avait dépeint tous ceux qui résistent à l’orthodoxie catholique, vous êtes une âme profondément religieuse et vouée sérieusement au culte du vrai, du beau et du bien, parce que je crois que Dieu, qui voit bien haut par-dessus les prescriptions humaines, agrée votre culte autant que le mien, parce que je veux, si je deviens votre compagne dans la vie, vous aimer dans toute l’éternité, et que je compte sur l’éternité avec vous… Mais, si vous ne croyez pas la même chose en ce qui nous concerne, — faites bien attention ! — allez-vous exiger que je renonce à la pratique d’un culte qui jusqu’ici m’a semblé nécessaire à la vie de mon âme, et dont ma foi ne pourrait peut-être plus se passer ? Si je vous tiens pour sauvé, vous qui rejetez ce culte, ne me jugerez-vous pas hors de la voie et en révolte contre vous, si je le conserve ? Quand je pense cela, ma conscience recommence à s’alarmer, en même