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Ne prenez pourtant pas ceci pour un appel à votre conscience. Je reconnais tous vos droits, et dans ma douleur il n’y aura ni blâme ni reproche contre vous. Je vous sais bonne, je crois à votre amitié. Je sais que je mérite votre estime, et je crois qu’en me faisant souffrir vous souffrirez beaucoup aussi ; mais je ne veux rien devoir à votre pitié : elle nous serait funeste à tous deux. Je désire donc vivement que cette explication soit décisive, et que vous me commandiez de partir ou de me déclarer à votre père.

— Écoutez, Émile, il y a quinze jours, je chantais chez les carmélites le jour de la Trinité… et il me semblait que vous étiez là, quelque part, que vous m’entendiez, que vous me compreniez, et que votre âme chantait et priait avec la mienne.

— J’étais là, Lucie, j’étais dehors dans le soleil, dans la poussière et dans la fièvre ; je croyais être loin de votre pensée, et je devenais fou !

— Ingrat ! reprit Lucie avec force, comment n’êtes-vous pas venu à moi quand je suis sortie ?

— J’ai couru à vous, Lucie ; vous ne m’avez pas reconnu, vous ne m’avez pas seulement aperçu ; vous sembliez abîmée dans l’extase ou brisée par l’émotion.

— Eh bien, vous m’avez vue, vous, mais vous ne m’avez pas comprise ! J’étais ravie dans l’espérance ! Je venais d’entendre la voix de ma conscience et celle de mon cœur qui chantaient avec moi !

— Ô Lucie ! que vous disait-elle donc, cette voix intérieure ?

— Elle me disait d’avoir confiance en vous.

— Et vous ne la repoussiez pas ? vous ne la combattiez plus ?

— Émile, répondit-elle en me tendant les deux mains à la fois, quand le cœur et la conscience sont d’accord