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volontés et aux dévouements opiniâtres. Soyons de ceux-là, Lucie, soyons des saints ! Aspirons à monter sur les hauteurs, abandonnons la lutte avec le monde, prêchons-le d’exemple ; mais pour cela sacrifions tout, ne nous réservons rien. Soyons à Jésus-Christ corps et âme, créons-lui des sanctuaires qui ne recevront pas le mot d’ordre des intérêts ou des passions. Adorons-le en esprit et en vérité dans la région de renoncements suprêmes !…

Hélas ! voilà ce que je me disais en venant ici. J’espérais vous trouver encore disposée à me comprendre et à profiter de ce que ma foi avait acquis de lumière et d’humilité, de force et de douceur dans le commerce d’un saint… Mais vous voilà enivrée d’un rêve funeste, l’amour d’un homme !… Ô Lucie, il semblait pourtant que nous dussions nous rencontrer à cette pénible étape de certaines désillusions ! À mon insu, et vous à l’insu de ce qui se passait en moi, vous étiez arrivée au doute. C’était le moment de nous sauver ensemble par un grand acte de foi ; car, moi aussi, j’aurais fondé dans ces montagnes un sanctuaire sans tache. Ma fortune personnelle, qui s’est accrue d’un héritage assez considérable, m’eût permis de n’avoir pas recours à ces pressurages d’argent dont vous m’avez cru occupé, et pour lesquels j’ai fait toujours preuve d’incapacité notoire. J’aurais obtenu que le père Onorio vînt y donner l’exemple des grandes vertus, et j’aurais enseveli là, non loin de vous, ma vie obscure et immolée. Vous ne le voulez pas ? Ce rêve sublime de votre vie s’est dissipé sous le souffle d’une passion vulgaire ! Votre cœur est fermé à Dieu, ma voix n’arrive plus à votre oreille ! Est-ce possible ? Faut-il que j’y croie ?

Ne me répondez pas avec précipitation. Relisez les paroles du père Onorio, relisez ma confession, qui est