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pas feindre. Vous aimiez ma franchise. Il faut l’aimer encore et répondre à mes objections par des raisons, non par des menaces ; je n’y croirais pas. Souvenez-vous qu’entre Dieu et moi je n’ai jamais pu apercevoir le diable. Si Dieu veut me châtier, il ne se servira pas de l’esprit du mal pour me ramener au bien, et, s’il est pour moi sans merci, s’il veut me confondre et m’anéantir, il m’abandonnera à moi-même. C’est bien assez de moi pour me torturer, si ma conscience est coupable ; c’est bien assez de l’horreur des ténèbres, si l’œil de Dieu n’est plus le flambeau de ma vie.

Pour aujourd’hui, voilà tout ce que j’ai à vous dire. La confidence de mes sentimens personnels et de mes projets est tout à fait inutile, si nous ne pouvons plus nous entendre sur le point de départ, la religion. La mienne n’a pas changé depuis tantôt six ans que vous lisez dans mes pensées, et je ne vois rien dans le présent que je ne puisse combattre seule, si je m’y sens en péril sérieux. Soyez sûr que j’y ai songé et que je n’ai pas été pour rien m’enfermer aux Carmélites.

Lucie.




XI.


MOREALI À MADEMOISELLE LA QUINTINIE, À TURDY.


Chambéry, le 10 juin.

Oui, j’ai changé, Lucie, j’ai changé complétement d’esprit et de volonté ; ne vous l’avais-je pas écrit ? J’étais sorti de la voie du salut, j’y suis rentré, et il faut que je vous y ramène, il le faut absolument, ou un remords