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le général est à la fois légitimiste, orléaniste et bonapartiste, ce qui ne l’empêche pas d’avoir quelquefois une parole de sympathie pour le général Cavaignac à cause des journées de juin 1848. Ce qui le fascine, c’est l’autorité et ce qu’il appelle invariablement la vigueur. Ainsi les princes d’Orléans avaient de la vigueur, le général Cavaignac a eu de beaux moments de vigueur, et l’empereur Napoléon III est un homme de vigueur. Quant aux légitimistes, ils prennent place dans sa considération à cause de la vigueur de leur principe, qui est d’arrêter l’anarchie des esprits, comme le souverain d’aujourd’hui a la vigoureuse mission de réprimer l’anarchie des événements. Je ne sais pas si les souverains font grand cas de ces admirations banales, ni si elles leur sont véritablement utiles ; mais je sais que le général La Quintinie est le plus ennuyeux apologiste du pouvoir que j’aie jamais rencontré. C’est là, j’imagine, le mauvais côté, le côté excessif de l’esprit militaire. Le fétichisme outré de la discipline doit produire ces types, exceptionnels, je l’espère, d’engouement aveugle pour toutes les causes qui triomphent. Le général La Quintinie est un modèle du genre, et, pour compléter la liste de ses croyances variées et assorties, il s’est fait dévot depuis peu et tient déjà pour le pouvoir temporel avec fureur.

Il faut vous dire, pour excuser ce sabreur papiste, que, s’il a beaucoup fait brûler de poudre en sa vie, il n’en a pas inventé le plus petit grain. Je le crois d’une bonne foi parfaite dans ses inconséquences, et le grand cas qu’il fait de lui-même ne doit d’ailleurs pas lui permettre de s’interroger et de se reprendre sur quoi que ce soit. Cette foi en sa propre infaillibilité se trahit dans la roideur et l’aplomb de toute sa personne. Son cou est ankylosé, à coup sûr, par la majesté du commandement. Il coupe son pain avec une dignité hautaine ; il avale sa