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Je redescendis au bout de quelques instants ; mon intention n’était pas de monter au pic, dont je connaissais le moindre caillou, mais je n’étais pas fâché de revoir le pâle et charmant visage de la jeune dame. J’étais pourtant blasé sur la rencontre des plus jolies voyageuses comme des plus laides. J’avais assez fait le garçon d’auberge pour regarder tous ces oiseaux de passage comme un gibier hors de portée. Seulement, comme, à l’âge que j’avais, on regarde toujours avec intérêt ces personnages plus ou moins ailés, j’avais acquis certain discernement. Je distinguais très-vite une compagne légitime d’une associée de rencontre, une noble Anglaise évaporée d’une aventurière précieuse, une Parisienne de la fashion tapageuse, mais appartenant au vrai monde, d’une courtisane habillée avec plus de goût et affichant un meilleur ton. Mon père, qui embrouillait tout cela, ma mère, qui n’y comprenait absolument rien, s’étonnaient de ma perspicacité quand après coup je leur disais à quelle espèce ou à quelle variété ils avaient eu affaire.

Je revins donc sur mes pas et j’examinai la voyageuse, surpris de ne pouvoir définir sa véritable condition. La mise était irréprochable, un mélange de goût français et de confortabilité britannique. Elle