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ment, sans lui rien révéler de ce qui concernait mon père, je lui avais raconté cette aventure. Il s’était étonné de me trouver si impressionnable et si romanesque avec mon corps d’athlète et ma figure épanouie.

— Je fais une remarque, m’avait-il dit : c’est que, d’après le caractère, la physionomie, les goûts d’un jeune homme, on peut constater la tendance et prédire la marche de son existence, hormis sur un point essentiellement indépendant de tout le reste et très-mystérieux, pour ne pas dire illogique, — la nature de sa notion sur l’amour. Je crois savoir, en t’examinant, que tu es actif, plein de courage, que tu es naturellement chaste, très-généreux et porté aux dévouements chevaleresques. Tout cela ne suffit pas pour que je te déclare à l’abri de quelque énorme sottise tout à fait en désaccord avec tes heureux instincts, parce que j’ignore de quelle façon tu aimeras la femme. Ce que tu me racontes m’étonne et semble appartenir au tempérament lymphatico-nerveux de quelque pâle étudiant des contes d’Hoffmann, tandis que ton organisation est celle d’un chasseur ou d’un pâtre des montagnes d’Espagne. Je t’étudierai davantage sous ce rapport, et je te dirai ce que j’aurai découvert, afin que, s’il y a péril accidentel, tu t’en préserves, et que, s’il y a fatalité, tu la combattes. Je ne suis pas de ceux qui