Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/59

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle me cause. Je crains de la voir trop exclusive et que sa santé ne se consume dans cette extase continuelle où elle semble plongée ; cela a remplacé la dévotion, qui paraît oubliée absolument. Tu vois qu’elle est toujours ce que tu appelles étrange. Moi, je la vois exceptionnelle, ce qui est autre chose. Dieu merci, elle se porte bien et embellit encore. Je la surveille et la dirige assez adroitement pour qu’elle suive un bon régime, car il ne faudrait pas lui demander de s’occuper d’elle-même. »

Un peu plus tard, Jeanne, dont le talent commençait à percer malgré la vie modeste et pour ainsi dire cachée qu’elle menait avec sa mère, fut encore recherchée en mariage et refusa. Elle ne disait plus qu’elle ne voulait jamais se marier, mais ma mère craignait que ce ne fût un parti-pris. Je ne m’en inquiétai point, Jeanne était si jeune encore !

Je me trouvais aussi heureux que possible à Montpellier : je voyais ma famille aux vacances, mon père passait quelques jours avec nous à cette époque ; une fois il me proposa de me mener jusqu’à Paris, où il avait affaire. J’acceptai avec empressement, et, quoique ma mère s’effrayât de me voir aborder les périls de ce qu’au fond de nos petites existences de province on appelait encore la grande Babylone, elle reconnut