Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/44

Cette page n’a pas encore été corrigée

mes fournitures. J’ai réussi à avoir la préférence sur tous les autres petits restaurants de la campagne. À présent, la maison est achalandée, mais je ne puis moi-même, du jour au lendemain, doubler mes prix. C’est l’affaire de celui qui me remplace. On criera contre lui, on me verra avec joie reprendre ma fonction l’an prochain : mais le pli sera pris. On payera ce qu’on doit payer pour que nos affaires marchent à souhait. Pourtant, comme elles ne marchent point trop mal, je ne veux pas vous priver de voir du pays pendant vos vacances. Je vais vous conduire à Bordeaux, où je connais du monde. C’est une belle ville.

Je n’avais jamais vu la mer. L’idée d’aller jusqu’à l’Océan me transporta de joie. Ma sœur sourit mollement en disant qu’elle était contente aussi. Ma mère ne fit pas d’objection, et nous partîmes.

Aussitôt notre arrivée, ma mère conduisit Jeanne dans les magasins de nouveautés et lui acheta une très-jolie toilette, qu’elle endossa avec un peu d’hésitation et de crainte. Chez ses religieuses, elle avait un petit costume d’uniforme qu’elle n’avait pas encore voulu quitter. Je dus lui dire qu’elle était ridicule ainsi. J’avais sur elle non pas de l’influence, — comme avait très-bien dit ma mère, on ne la persuadait point, — mais j’avais une singulière autorité. Il suffisait d’un