Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Saint-Sauveur, et notre petit établissement avait l’air de prospérer. Pourtant, moi qui faisais les acquisitions et qui réglais les comptes, je m’étonnais de la disproportion qui s’établissait en somme entre la cherté des denrées et le bon marché de nos ventes. Mon père disait qu’il fallait agir ainsi et savoir perdre au commencement pour accaparer la clientèle et gagner plus tard. Plus tard, j’ai su que notre auberge n’était alors qu’un prétexte pour nous donner l’air de nous enrichir par le travail, et que la véritable prospérité ne nous venait que de la contrebande à laquelle mon père se livrait activement sous nos yeux, sans sortir de chez lui et sans qu’il nous fût possible de savoir quelles gens travaillaient de concert avec lui. Le fameux Antonio Perez ne paraissait jamais, et pourtant la correspondance était active entre eux. !

Délivré de l’obsession amoureuse que j’avais subie, je travaillai mieux que je n’avais encore fait, et l’année suivante (1840), je terminai mes études et passai bachelier.

Comme je revenais chez nous avec mon diplôme et l’espoir de commencer la médecine, je trouvai ma sœur installée à la maison. Elle avait quitté le couvent définitivement, et, me prenant à part, elle me dit avec son ton calme :