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vant se marier à huit heures, elle est arrivée chez moi à deux heures du matin. Je lui ai su gré de son courage, et, une heure après, nous courions sur la route d’Italie, laissant le fiancé surpris sans doute, mais délivré.

» Je ne l’ai pas trompée, je l’ai épousée, et je la ramène ouvertement, au grand scandale de mes concitoyens, qui ne lui présenteront pas leurs femmes ; mais je les attends tranquillement chacun au lendemain d’une bonne maladie que j’aurai su conjurer et guérir. Je ne suis pas en peine du bon accueil qui sera fait alors à ma petite femme, si douce, si timide et si gracieuse. Je ne suis certes pas un berger d’Arcadie, un Lara encore moins, et, si je ne porte pas de préjugés dans le choix d’une compagne, je n’y porte pas non plus d’illusions. C’est parce que Manuela est un être sans aucun lien avec le monde social et sans aucune appréciation des choses humaines que je l’ai préférée à toute autre. Celle-là m’appartient absolument, ne voit que par mes yeux, n’entend que par mes oreilles, ne comprend que par ma bouche. Elle est ma chose, et je le lui dis sans l’offenser, car je lui prouve par mes soins et mon amitié qu’elle est une chose très-belle et très-précieuse. Enfin, je l’ai guérie, elle n’a plus que quinze ans, et l’espérance d’un poupon qui sera son idéal et son tout me garantit la sa-