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— Prends bien garde, aie plus de soin d’elle que de toi-même. C’est ta sœur, ta sœur ! quelque chose de plus précieux que tout et que tu dois défendre comme ta vie.

J’avais pris cela fort au sérieux comme tout ce que ma mère me disait, et puis j’étais fier d’avoir à promener cette petite si jolie, si propre et déjà si confiante en moi. Je la protégeais si bien, que ma mère me la laissait emporter dans la campagne pour cueillir des fleurs, et nous en ramassions tant, que je rapportais Jeanne, sur mon dos ou dans sa petite voiture, littéralement enfouie dans une gerbe de fleurs et de verdure d’où sortait seulement sa jolie tête blonde. Un jour, un peintre nous ayant rencontrés, nous arrêta pour nous prier de lui laisser prendre un croquis de nous et de nos attributs. Quand il eut fini, il voulut embrasser Jeanne, et je m’y opposai avec une dignité qui le fit beaucoup rire.

Plus tard, je voulus être son professeur. C’est moi qui lui appris à lire et qui en vins à bout très-vite sans lui coûter une seule larme. Dans le pays, jusqu’au moment où j’entrai au collège, nous étions inséparables, et les bonnes femmes érudites nous appelaient Paul et Virginie.

Depuis le collège, nous étions moins intimes, mais je ne la chérissais pas moins. Il me sembla donc cruel