Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/293

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’ai compris et j’ai méprisé en moi le mauvais sentiment qui me portait encore à la disputer. Donc, quelle que soit Manuela, je l’ai mal aimée : affaire de tempérament et d’imagination, autant dire que je ne l’aimerai jamais de manière à la rendre heureuse et à me sentir heureux moi-même.

Ma mère garda le silence un instant, puis elle reprit :

— Si pourtant, à l’heure qu’il est, je te disais qu’elle est guérie et qu’elle t’attend ?

— Serait-il vrai ? Ne me cache rien !

— Si M. Brudnel te sommait, au nom de l’honneur, de tenir l’imprudente parole…

— Je dirais à M. Brudnel qu’il a plus que moi à réparer, lui qui a consenti à laisser passer Manuela pour sa femme !

— Mais moi, si je te disais que je te crois lié sérieusement ?

— Toi ? je partirais à l’instant même, mais avec la mort dans l’âme. Je sacrifierais le repos et la dignité de ma vie à un instant d’amour-propre irréfléchi ; mais, si ton estime est à ce prix…

Je fondis en larmes. Ma mère m’entoura de ses bras.

— Respire, me dit-elle, je suis contente de toi. Je n’ai point à exiger une si cruelle expiation. Manuela,