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« Donner aux autres toute la somme de bonheur qu’il est en nous de leur procurer. » C’est court et c’est simple, et, depuis que j’ai pris l’habitude d’appliquer ma théorie à toutes mes résolutions, je me suis aperçue d’une chose, c’est que j’étais très-heureuse et qu’il ne dépendait de personne de m’ôter mon bonheur. Ainsi, que je me décide ou non à me marier, je défie le monsieur qui m’aimera de me faire un reproche fondé, et je le défie encore de me faire un chagrin que je ne lui pardonnerai pas.

— Tu arranges le mariage à ta guise. L’expérience de la plupart des ménages te donne un démenti. C’est parce qu’ils sont presque tous malheureux ou troublés qu’il y faut porter autant d’amour que possible.

— Comme compensation ? C’est très-mal raisonné ! L’amour, tel que tu l’entends, est la principale cause de trouble. C’est le droit à la domination, à la jalousie, par conséquent à l’aigreur, à la colère, à l’injustice.

— Mais tu fais là mon procès aussi, à moi ! T’en ai-je donné le droit ? Sais-tu comment j’entends l’amour ? Je ne te l’ai jamais dit, que je sache !

Je m’étais tourné vers ma mère, lui demandant du regard si Jeanne, informée de ce qu’il m’était enjoint de lui cacher, faisait allusion à mon aventure. Le regard de ma mère me répondit que Jeanne ne sa-