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connu Louise enfant très-raisonnable et très-gaie. Qu’en penses-tu, toi ?

— Ne la connaissant pas, je n’en pense rien.

— Mais crois-tu qu’on puisse devenir folle d’un amour non avoué et non partagé ?

— Tout est possible pour les cerveaux faibles ; il suffit pour les troubler d’une fantaisie malsaine.

Involontairement, en parlant ainsi, je fus reporté, dans ma pensée, au temps où Jeanne, enfant, ne se croyant pas ma sœur, prétendait m’empêcher de me marier ; mais je ne lui fis point part de ce retour à un passé oublié probablement par elle, comme il l’avait été par moi depuis le jour où j’avais vu nos actes de naissance.

À ma grande surprise, Jeanne, soit qu’elle eût la même réminiscence, soit qu’elle eût tout simplement l’esprit frappé par la douloureuse rencontre de son ancienne compagne, me parla pour la première fois de ses idées sur l’amour.

— Peu de choses dans ma vie m’ont fait autant d’impression, me dit-elle, que le désespoir insensé de cette pauvre Louise. J’étais un peu son amie, même après le couvent, et elle m’avait confié, sans que j’y attachasse grande importance, sa prédilection pour M. Louvet. C’était un garçon très-insignifiant, tu le