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— Mon pauvre enfant ! dit ma mère en pressant ma tête contre son sein ; quand je songe que, sans cette fantaisie pour une inconnue, tu aurais pu être si heureux ! mais peut-être que tout cela n’est pas si grave que nous le pensons. Prenons patience et cachons nos anxiétés à ma Jeanne.

— Tu l’as toujours aimée mieux que moi, lui dis-je ; conviens-en, je n’en suis pas jaloux. Les sentiments purs et sacrés ignorent l’égoïsme.

Le dîner fut simple comme nos habitudes, mais plein des petites douceurs de l’intimité. On me servit les mets que j’avais aimés dans mon enfance. Jeanne était gaie et tendre, notre mère adorable. Jeanne me servit du vin de notre cru, que je préférais à tout autre ; elle prétendait m’enivrer. Je ne demandais pas mieux, mais l’ivresse ne gagna que mon cœur. Il y a dans le foyer de la famille une influence vraiment souveraine. Un moment, j’oubliai mes tristes pérégrinations et m’imaginai que j’avais encore douze ans. Après le dîner, Jeanne céda à ma prière et se mit au piano. Elle fut admirable et me plongea dans des rêves délicieux. Il me semblait, en rentrant dans ma petite chambre de garçon, que j’étais guéri.

Le lendemain, ma mère reçut ma confession entière ; elle l’écouta encore mieux que Vianne, car