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Je m’arrêtai effrayé de ma violence ; elle était devenue pâle, mais elle souriait encore.

— Comme tu es jaloux ! reprit-elle ; M. Brudnel ne m’a jamais reproché mon pauvre passé avec cette amertume.

— Alors, c’est lui décidément le préféré ? Il faudra pourtant choisir entre lui et moi, Manuela !

— Choisir ? Il faudra quitter cet ange qui m’a permis de t’aimer ? Ah ! quelle injustice et quelle cruauté !

Je fis de vains efforts pour me contenir. Chacune des paroles de Manuela m’exaspérait. Cette nature spontanée manquait toujours de tact et d’à-propos. Elle crut que le moment était venu de nous expliquer sur notre avenir et qu’il fallait ne pas le laisser échapper. Elle provoqua une discussion que nous n’étions ni l’un ni l’autre en état de soutenir sagement. Elle me força de lui dire que je voulais quitter M. Brudnel pour toujours.

— Soit ! répondit-elle, tu le veux, je te suivrai, et ma volonté sera la tienne, puisque je t’appartiens !

Elle se jeta à mon cou, mais je la sentis faiblir dans mes bras et glisser. Elle fût tombée à terre, si je ne l’eusse retenue et portée sur un fauteuil. Elle était froide, immobile ; un instant, je la crus morte.

Je sonnai précipitamment. Dolorès vint m’aider à