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lument trompée ; je n’ai jamais été, je le dis à ma honte, je ne suis pas amoureux d’elle. Je ne lui ai jamais promis qu’une chose, c’est de ne pas me marier avec une autre ; je croyais ne me marier jamais. Vous cachez mal certain sourire, mon cher docteur, vous pensez que j’exagère un peu mon invraisemblable et stupide indifférence. Vous me faites bien l’honneur de croire que j’aurais su résister, même à la plus violente tentation, plutôt que de profaner la sainteté de mon adoption ; mais vous croyez que dans tous les cas mon rôle est maintenant d’échapper au ridicule, et que j’affecte une philosophie qui me coûte un peu. Je vais vous prouver que je suis un véritable Anglais, flegmatique au besoin dans certaines crises. Sachez donc que je revenais ici avec la ferme résolution d’épouser ma fille adoptive, si elle me faisait l’honneur d’oublier mon âge pour agréer mon nom et ma fortune. Et j’avais pris de sang-froid cette résolution suprême pour des raisons auxquelles Manuela était absolument étrangères. Ces raisons étranges, mais bien graves, je puis, je dois, je veux vous les dire. Un hasard imprévu, inespéré, m’a fait retrouver ma fille, ma vraie fille, perdue, cachée pour moi dès sa naissance. J’ai fait le doux projet de me réunir à elle, de vivre auprès d’elle, n’importe où, mais pour toujours. Cette découverte a