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songeait à prendre ses degrés en attendant son diplôme. Elle ne voulait point entendre parler de mariage, disant qu’elle ne comptait point en courir les risques. Mon père traitait cette idée de fantaisie d’enfant, ma mère la combattait avec douceur, mais avec une certaine tristesse qui m’intriguait.

J’eus le mot de l’énigme qui nous enveloppait l’année 1838, pendant notre station annuelle dans la montagne.

J’étais parti le matin pour une de mes grandes excursions et ne devais revenir que le lendemain soir ; mais, les brouillards ayant envahi la région que je devais explorer avec quelques camarades, nous revînmes sur nos pas le jour même et je rentrai chez nous assez tard. Tout le monde paraissait couché : ne voulant pas réveiller ma mère, qui avait le sommeil léger et qui était très-matinale, je me glissai à ma chambre et dans mon lit sans faire le moindre bruit.

J’étais fatigué, j’allais m’endormir quand j’entendis que mes parents causaient dans la salle à manger, tout près de la cloison qui me séparait d’eux. J’écoutai, et j’avoue que ce n’était pas la première fois. Je ne m’en faisais point de scrupule. Je m’étais persuadé depuis longtemps que je devais surprendre leur secret, que ce secret, qui était mien par la force des choses,