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» Quelques heures se passent. Une voix, — oh ! une voix terrible me réveille, la voix de mon père. Il parle tout près de ma chambre avec cette femme qui s’est chargée de me cacher. Elle lui parle comme à un ami intime, elle est recéleuse de contrebande, elle lui raconte qu’à présent elle fait un métier aussi dangereux, mais plus lucratif ; elle recèle des filles enlevées : elle lui parle de moi, elle ne sait pas mon nom, elle ignore qui je suis, d’où je viens, mais elle vante ma figure, elle allume sa curiosité, dirai-je sa lubricité ? Ah ! pourquoi le ménager, c’était un être infâme ! Il veut me voir,… elle résiste, il la repousse, il enfonce la porte d’un coup de pied, il me trouve à genoux, demi-morte. Il me reconnaît, me soufflète, m’accable de coups. Il fait venir une voiture, il m’y jette et me conduit à Madrid.

» Jusque-là, c’était son droit, direz-vous, peut-être son devoir. Oh ! vous verrez tout à l’heure ! Il m’annonce qu’il va me mettre dans un couvent bien cloîtré, d’où je ne sortirai jamais. Je réponds, pour l’apaiser, que j’ai mérité cela, que je me soumets, que je le supplie de me pardonner, puisque je vais expier. Il éclate en reproches étranges. Il dit que je suis lâche et vile par nature pour avoir aimé un homme de rien, quand je pouvais appartenir à un homme riche