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gnait toujours qu’ils ne me fissent du mal et me priait de ne pas la quitter. Elle prit un ennui mortel et tomba malade.

» Et puis un jour elle découvrit que mon père s’occupait d’autres femmes, et la jalousie l’acheva. Un soir, mon père rentre d’une de ses courses et il la trouve morte dans mes bras. Il la regrette à peine, ne songe point à me consoler, et trois jours après il me conduit à Bordeaux, où il avait affaire. Il était accompagné de sa servante Pepa et ne prenait pas la peine de me cacher ses relations avec cette fille. J’en fus outrée et menaçai de me sauver pour ne plus subir l’autorité d’une pareille marâtre. Où me serais-je réfugiée ? Je n’en savais rien, j’étais en colère et ne raisonnais pas.

» — Puisque tu le prends comme cela, dit mon père, je vais me séparer de toi et t’enfermer dans un couvent. Tu t’y ennuieras, c’est ton affaire, tu l’auras voulu. Aussi bien tu es riche à présent, et il faut devenir une demoiselle. Dépêche-toi d’être savante, je te reprendrai quand tu auras l’âge du mariage.

» Il me conduisit au bateau à vapeur le jour même. J’avais beaucoup pleuré, je craignais d’être laide, je me cachai le visage sous ma mantille et je quittai Bordeaux sans y avoir rien vu.

» Nous allâmes à Pampelune, où il me laissa.