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longtemps sur un secret imaginaire relatif à sa naissance. Je me demandais si elle les avait encore ; si elle se croyait trop noble pour épouser Vianne ; pourquoi ma mère avait tenu à savoir la nature des souvenirs de sir Richard sur le château de Mauville. À la clarté rougeâtre qui envahissait ma chambre au reflet du couchant, mon esprit se perdait dans je ne sais quelles rêveries fantastiques. Il y avait toujours eu quelque chose de mystérieux autour de moi, et ma sœur était l’être mystérieux par excellence. Seulement elle ne paraissait plus douter de son identité légale ; pourquoi en avait-elle douté ? Par moments, et c’était là la cause vague et inavouée de ma lenteur à parler de ma mère à sir Richard, par moments j’avais craint de songer aux rapports qui pouvaient avoir existé entre elle et lui : … mais non, cela était impossible ! Ma mère était trois fois sainte, la droiture de sa vie entière éclatait dans sa parole et sur son visage.

J’allais allumer ma lampe lorsqu’on frappa à ma porte. Je criai : « Entrez, » croyant que le domestique venait faire ma couverture. On entra. Jugez de ma surprise, c’était madame Hélène !

— Ne vous étonnez pas de ma visite, dit-elle, et n’allumez pas. Il fait encore jour, venez causer sur le balcon. J’ai quelque chose à vous demander, mon bon docteur.