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songes guère, puisque te voilà lié à l’existence de ce gentleman dont l’amitié te rend heureux ? Ne va pas l’aimer mieux que nous ! Mais non, je ne crains rien. Tu n’aimeras jamais personne plus que nous, je t’en défie. Celle à qui tu appartiendras pourra bien te donner l’avenir ; elle ne te donnera pas le passé, ce grand fonds, ce grand trésor de tendresse et de confiance, les joies et les douleurs mises si longtemps en commun. — Quant à moi et à M. Vianne, il n’y a pas de passé, et il ne me semble pas qu’il y ait d’avenir sans cela. J’en suis parfois si effrayée que je ferme les yeux et me précipite à mon piano pour oublier qui je suis et ce que l’on veut que je sois.

» Je tiendrai parole, puisque j’ai promis. Je recevrai les lettres, je tâcherai d’y répondre, et, au bout de l’année, j’accepterai l’entrevue ; mais, si je n’ai pas changé, si l’émotion n’est pas venue, si je ne sens aucune joie d’abjurer ma personnalité et ma liberté, sera-ce ma faute ? M’en voudra-t-on ? maman aura-t-elle du chagrin ? M. Vianne me maudira-t-il ? me gronderas-tu ? Je n’ai pas promis que je dirais oui. J’ai promis de faire mon possible pour le dire ; mais, s’il fallait le dire contre mon gré, avec la terreur dans l’âme, trouverais-je en toi un protecteur, un ami courageux, un frère véritable pour me préserver de l’é-