Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

savais si peu, que je ne m’apercevais même pas de l’inconvenance de mes critiques.

— Je n’approuve pas, lui dis-je, que l’on fasse si bon marché de soi-même. C’est un moyen que les enfants emploient souvent pour s’assurer l’impunité de leur insouciance.

— Les enfants sont les enfants, répondit-elle avec douceur.

— Et vous voulez rester enfant toute votre vie ?

— C’est ma destinée, allez ! Ce n’est pas moi qui l’ai faite et il faut que je m’en contente. Si j’avais eu de la prévoyance et de la raison, je n’aurais pas accepté d’être la compagne d’un homme si supérieur à moi ! Je n’avais pour moi que mon âge et ma figure ; puisqu’il s’est contenté de si peu de chose, c’est qu’il a un grand cœur ; mais je comprends que je vous paraisse sotte, à vous qui ne me devez pas d’indulgence. Heureusement la sienne est inépuisable et vous pourrez faire briller mon incapacité devant lui. Cela m’est égal, il ne m’en aimera que mieux.

Je sentis que j’avais été absurde et que je l’étais encore, car je ne pouvais ni expliquer ni excuser le mauvais ton de mes remarques désobligeantes. Je crus comprendre que ma logique était froissée par un désaccord frappant entre le charme physique qu’exha-