du couvent. En se retournant, il m’aperçut et partit d’un éclat de rire. — L’idée de ce moine, me dit-il, qui veut aller convertir M. de Lamennais, me trotte par la cervelle ; que t’en semble ? — Mais combien veux-tu parier, repris-je, que si le pape te chargeait de cette mission, tu ne répugnerais nullement à la remplir ? — Je le crois bien, répondit-il ; voir cet homme et causer avec lui, crois-tu que ce soit un événement à dédaigner dans la vie d’un pauvre prêtre ? — Et que lui dirais-tu ? — Que je l’admire, que je l’ai lu, et que je suis malheureux. — Ce n’est pas une raison pour briser ces arbustes qui ne t’ont rien fait, ni pour tourmenter ce brave moine qui a eu peur de ton rabat, et qui s’est cru obligé de déplorer l’erreur de celui qu’il admire peut-être autant que toi. — Ce moine ? il a fait semblant de s’intéresser à des choses qui ne l’intéressent nullement. Ils sont savants et polis, mais ils sont moines avant tout, et tout ce qui se passe au delà de leurs murailles leur est parfaitement indifférent. Pourvu qu’on les laisse tranquillement jouir de leurs richesses, ils répéteront toujours servilement le mot d’ordre du pouvoir qui les protége. Laïque ou religieux, peu leur importe, et croyez bien qu’ils ont un souverain plus sacré que le pape : c’est l’empereur François, qui leur a donné ce couvent et cet îlot fertile, où lord Byron est venu étudier les langues orientales, et que M. de Marcellus a visité dernièrement, comme l’attestent les quatre beaux vers qu’il a écrits sur l’album des voyageurs.
— Je sais de lui un quatrain non moins beau, repris-je ; c’est celui qu’il a improvisé et écrit de sa propre main aux pieds de la statue de la Victoire, à Brescia. Le voici : Elle marche, elle vole, et dispense la gloire ; On est tenté de l’adorer. Et même en contemplant cette noble Victoire, Après avoir vu Rome, il nous faut l’admirer.
— Je parie que M. de Marcellus ne peut pas souffrir l’abbé de Lamennais, dit l’abbé, et qu’il le réfute victorieusement ! —