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traité de l’absolu et Puzzi, qu’il rossa pour l’empêcher de ronfler, et il chercha toute la nuit le véritable sens de cette terrible phrase : — « L’absolu est identique à lui-même. »

N’en ayant point trouvé qui le satisfit pleinement, son humeur satanique s’exaspéra, et à quatre heures du matin il vint faire un vacarme épouvantable à ma porte. Je m’éveille, je m’habille en toute hâte, je refais mes paquets et je parcours toute la maison, affairé, me frottant les yeux, luttant contre la fatigue et craignant d’être en retard. Un profond silence régnait partout : j’en étais à croire que la caravane était partie sans moi, quand le major, en bonnet de nuit, apparaît en bâillant sur le seuil de sa chambre.

— Quelle mouche vous pique ? dit-il avec un sourire féroce, et d’où vient que vous êtes si matinal ? Votre humeur est vraiment fâcheuse en voyage. Tenez-vous en repos, nous avons encore une heure à dormir.

Damné major !… m’écriai-je avec fureur.

Le nom lui en est resté, et il est bien plus expressif qu’il n’est permis à ma plume de le tracer. C’est le synonyme d’oint ; et, comme la langue est éminemment logique, c’est une épithète de sublimité quand on la place après le substantif.


Fribourg.

Nous entrâmes dans l’église de Saint-Nicolas pour entendre le plus bel orgue qui ait été fait jusqu’ici. Arabella, habituée aux sublimes réalisations, âme immense, insatiable, impérieuse envers Dieu et les hommes, s’assit fièrement sur le bord de la balustrade, et, promenant sur la nef inférieure son regard mélancoliquement contemplateur, attendit, et attendit en vain, ces voix célestes qui vibrent dans son sein, mais que nulle voix humaine, nul instrument sorti de nos mains mortelles ne peut faire résonner à son oreille. Ses grands cheveux blonds, déroulés par la pluie, tombaient sur