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lui fais-je avec colère, il est allé s’engager comme flageolet dans l’orchestre Musard, n’est-ce pas ?

— Pourquoi non ? dit le régisseur.

— Voici la porte du casino, dit je ne sais qui. Toutes les demoiselles qui prennent des leçons de musique connaissent M. Listz.

— J’ai envie d’aller parler à celle qui sort maintenant avec un cahier sous le bras, dit mon compagnon.

— Et pourquoi non ? d’autant plus qu’elle est jolie.

Le légitimiste fait trois saluts à la française, et demande l’adresse de Listz dans les termes les plus convenables. La jeune personne rougit, baisse les yeux, et avec un soupir étouffé répond que M. Listz est en Italie.

— Qu’il soit au diable ! Je vais dormir dans la première auberge venue ; qu’il me cherche à son tour.

À l’auberge, on m’apporte bientôt une lettre de sa sœur.

« Nous t’avons attendu, tu n’es pas exact, tu nous ennuies. Cherche-nous ! nous sommes partis.

« ARABELLA.

« P.S. Vois le major, et viens avec lui nous trouver. »


— Qu’est-ce que le major ?

— Que vous importe ? dit mon ami le légitimiste.

— Au fait ! Garçon, allez chercher le major.

Le major arrive. Il a la figure de Méphistophélès et la capote d’un douanier. Il me regarde des pieds à la tête et me demande qui je suis.

— Un voyageur mal mis, comme vous voyez, qui se recommande d’Arabella.

— Ah ! ah ! je cours chercher un passe-port.

— Cet homme est-il fou ?

— Non pas ; demain nous partons pour le Mont-Blanc.

Nous voici à Chamounix ; la pluie tombe, et la nuit s’épaissit.