des cieux… Rêves de spiritualiste, avenir du croyant, idéal de Socrate, promesses du fils de Marie ! vous êtes le beau côté de la destinée du poëte ; vous êtes l’encens et la myrrhe qu’il faut à ses blessures ; vous êtes la couronne de son long martyre. C’est pourquoi le poëte doit vous avoir sans cesse devant les yeux lorsqu’il s’expose à la persécution ; c’est pourquoi il doit vivre et travailler seul, sans jamais entrer de fait ou d’intention dans le tumulte du monde…
Six heures du matin.
J’ai quitté ma chambre au jour naissant pour fuir la fatigue qui commençait à alourdir mes paupières. Depuis deux nuits j’ai, contre ma coutume, un sommeil pénible. Des rêves affreux me réveillent en sursaut. Mon système est de ne jamais rien combattre, et d’échapper à tout ; c’est la force des faibles. J’ai donc pris le parti de ne pas dormir tant que les fantômes guetteront mon chevet. J’ai passé mon panier à mon bras ; j’y ai mis mon portefeuille, mon encrier, un morceau de pain et des cigarettes, et j’ai pris le chemin des Couperies. Me voici sur la hauteur culminante. La matinée est délicieuse, l’air est rempli du parfum des jeunes pommiers. Les prairies rapidement inclinées sous mes pieds, se déroulent là-bas avec mollesse ; elles étendent dans le vallon leurs tapis que blanchit encore la rosée glacée du matin. Les arbres, qui pressent les rives de l’Indre, dessinent sur les prés des méandres d’un vert éclatant que le soleil commence à dorer au faîte. Je me suis assis sur la dernière pierre de la colline, et j’ai salué en face de moi, au revers du ravin, ta blanche maisonnette, ta pépinière et le toit moussu de ton ajoupa. Pourquoi as-tu quitté cet heureux nid, et tes petits enfants, et ta vieille mère, et cette vallée charmante, et ton ami le Bohémien ? Hirondelle voyageuse, tu as été chercher en Afrique le printemps, qui n’arrivait pas assez vite à ton gré ? Ingrat ! ne fait-il pas toujours assez