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Lavater, après, avoir laissé aux anciens la gloire d’avoir créé la physiognomonie, et aux modernes l’honneur d’en saisir le sentiment poétique, s’attache à prouver que les études assidues et consciencieuses de toute sa vie n’ont encore fait faire qu’un pas à cette science ardue. Il engage ses successeurs à rectifier ses erreurs, à redresser ses jugements. Nul homme, et nul savant surtout, n’est plus humble et plus doux que lui ; c’est en tout un homme évangélique. Accablé des railleries, des controverses, de l’ergotage et du pédantisme de ses contemporains, il leur répond avec un calme inaltérable. — Le professeur Lichtemberg l’attaque avec plus d’esprit et d’âcreté que les autres. Lavater prend le pamphlet, s’en émeut peut-être un peu en secret (car lui-même nous avoue qu’il est nerveux et irascible) ; mais, ramené au sentiment de la philosophie chrétienne par la conviction et la pratique de toute sa vie, il écrit sa réponse dans un esprit de sagesse et de charité. Il examine l’attaque avec cette précision et cet amour de l’ordre qui le caractérisent, en disant : « Je me figure que, placés l’un à côté de l’autre, nous allons parcourir ensemble cet écrit, et nous communiquer réciproquement, avec la franchise qui convient à des hommes et la modération qui convient à des sages, la manière dont chacun de nous envisage la nature et la vérité. »

Plus loin, frappé d’une belle déclamation du professeur Lichtemberg, il s’écrie avec naïveté : « — Ce langage est celui de mon cœur. C’est sous les yeux d’un tel homme que j’aurais voulu écrire mes Essais. »

Vertueux prêtre ! on l’attaque pourtant dans ce que son intelligence enfante de plus précieux et caresse de plus cher, dans la moralité de sa science. La pudeur et la vertu des critiques (toujours humbles et tolérantes, comme vous savez !) s’effarouchent de voir ce novateur impie porter un regard scrutateur dans les mystères de la conscience. Qu’allez-vous faire ? lui crie-t-on avec amertume ; vous allez